Portraits d'entrepreneur·e·s

Fabien Debaud, directeur du Cerdato d’Arkema

30/03/2022

Le Cerdato d’Akerma à Serquigny est le centre de recherche le plus important du groupe. À sa tête depuis 2016, on retrouve Fabien Debaud, chargé de 260 chercheurs dans le domaine des polymères. Espoirs, obstacles et réussites, il raconte son histoire au Cercle des Entrepreneur.e.s.

Le Cercle des Entrepreneur.e.s – Présentez-vous en trois mots.

Fabien Debaud : Innovation durable, industrielle et mondiale !

CdE – Quel a été votre parcours professionnel ?

F.D : J’ai obtenu un doctorat en chimie des polymères à Bordeaux, puis j’ai vécu ma première expérience professionnelle aux États-Unis, à Philadelphie, pendant 4 ans, pour Arkema. J’ai poursuivi mon aventure pour la même entreprise à Lyon, à Paris et enfin à Serquigny, toujours dans le domaine de l’innovation durable et du management.

CdE – Vous êtes toujours resté chez Arkema et là vous travaillez au Cerdato de Serquigny depuis 5 ans ?

Fabien Debaud : Exactement ! J’entame ma sixième  année en tant que directeur du Cerdato (Centre de recherche, développement, applications et technique de l’Ouest), à Serquigny.

L’autre partie de ma mission, c’est de diriger la recherche mondiale pour l’activité polyamide de spécialités du groupe.

CdE – Vous étiez à Philadelphie, à Lyon et même à Paris auparavant, pourquoi avoir choisi de venir travailler à Serquigny ? 

F.D : Pourquoi Serquigny ? Parce qu’Arkema a 15 centres de recherche dans le monde et le plus important d’entre eux se trouve être à Serquigny. Il regroupe 260 chercheurs dans le domaine des polymères, et quand on m’a proposé la direction de ce centre, eh bien je l’ai accepté avec plaisir ! Ensuite, pourquoi ce centre est à Serquigny ? Il a été construit en 1979, il a fêté ses 40 ans et il est situé face à la plus grande usine du groupe Arkema en France, qui fabrique des polyamides de spécialités, dont le Rilsan® et le Pebax®.

CdE – Vous avez fait du chemin… À votre avis que dirait l’enfant que vous étiez à l’homme que vous êtes devenu ? 

F.D : Il me dirait : « Une carrière inattendue ! » Parce que l’enfant voulait devenir pilote de chasse… Il a tenté et ça ne s’est pas passé comme prévu. L’orientation s’est dirigée vers ce métier industriel. Mais le petit enfant est content. En effet, dans le cadre de ses loisirs, l’adulte est quand même devenu pilote d’avion !

CdE – Qui vous a inspiré ? Quelles ont été les rencontres les plus marquantes ? Celles qui vous ont permis d’en arriver là ? 

F.D : Sur le plan professionnel, je pense d’abord à ma rencontre avec Louis Hegedus, le directeur du centre de recherche des États-Unis pour Arkema. Il était d’origine hongroise et il avait vraiment une vision du domaine très intéressante. En plus de ça, il était pilote privé d’avion ! Louis fut mon premier mentor, autant sur le plan scientifique que sur le plan aéronautique. On a effectué des vols mémorables ensemble dans l’espace américain et il m’a orienté dans ma carrière. 

La deuxième rencontre importante de ma carrière professionnelle a été celle avec le directeur des recherches du groupe Arkema, Christian Collette, qui, depuis 2001, a été mon autre mentor et m’a aidé à progresser professionnellement, mais aussi personnellement. Malheureusement, ces deux personnes nous ont quittés récemment.

Sur le plan personnel, la rencontre de mon épouse a été évidemment très importante !

CdE – Qu’est-ce qui vous anime le plus dans votre métier ? Dans le fait d’entreprendre ? 

F.D : Innover de manière durable, en lien avec le respect de l’environnement ! 

Sur le plan technique, ce qui anime mes recherches chez Arkema, c’est de développer des matériaux de performance biosourcés et recyclables pour répondre à des grandes tendances du monde : l’allègement des matériaux, les énergies renouvelables, les ressources naturelles…

Sur le plan management, c’est vraiment croire que les femmes et les hommes peuvent toujours progresser, avec un esprit d’équipe, soulever des montagnes et sans cesse se fixer des objectifs plus élevés.

J’aime faire progresser les gens qui m’entourent et progresser moi-même pour toujours repousser les limites de l’innovation et de notre impact.

Je suis fier aussi du fait que les productions de polyamides d’Arkema à Serquigny s’exportent pour 85 % d’entre elles ! Cela me fait plaisir de contribuer à ce que cette petite ville normande rayonne mondialement dans le monde des polymères de hautes performances.

CdE – Quelles sont les qualités primordiales pour exercer votre métier ?

Fabien Debaud : Sur le plan scientifique, il faut être curieux, mais aussi résilient, car il est nécessaire de savoir rebondir après les échecs pour toujours améliorer sa performance de chercheur. C’est important aussi d’être très à l’écoute de ses clients, du marché et des tendances mondiales.

Sur le plan du management, il faut aimer les hommes et les femmes du groupe, les aider à progresser en faisant preuve d’une certaine forme d’empathie, mais aussi d’humanisme, tout en gardant une exigence bienveillante ! Il est important d’être juste, à la fois individuellement et collectivement.

Enfin, pour ce qui est de la clé de ce métier, que cela concerne la recherche ou management, c’est la capacité à prendre des décisions sans attendre d’avoir 100 % de l’information pour le faire, la compétitivité de l’entité en dépend. 

CdE – Quel a été le plus gros challenge auquel vous avez dû faire face ? 

F.D : À titre personnel, c’est lorsque l’on m’a confié la direction de ce centre de 260 personnes que je ne connaissais pas du tout. L’entité précédente dont j’avais la charge n’excédait pas 50 personnes !

CdE – Quelle a été selon vous votre plus belle réussite ?

F.D : D’avoir contribué au rayonnement mondial de ce centre de recherche et à ce que l’image du Cerdato soit à la hauteur de la qualité et de la performance de ses employés. Ma plus belle réussite, c’est de mettre en avant le dynamisme et la capacité d’innovation du centre. D’ailleurs, ça s’est concrétisé en 2020, par le fait qu’un tiers des brevets déposés par le groupe Arkema est issu de Serquigny ! L’année 2020 a également été celle de la mise à l’honneur de notre produit de Serquigny, lors de la première édition de la Grande Exposition du fabriqué en France, au palais de l’Élysée en présence du président de la République.

Balise alt : serquigny arkema

CdE – Qu’est-ce qui a changé dans votre entreprise depuis ces dernières années ? Et que faites-vous aujourd’hui dans votre entreprise que vous ne ferez plus dans 10 ans ? 

Fabien Debaud : Depuis ces dernières années, il y a eu une forte orientation vers le développement durable et vers la responsabilité sociétale d’entreprise : 70 % de nos efforts de recherche contribuent significativement à 1 ou à plusieurs des 17 objectifs de l’ONU pour une planète durable définis en 2015. On est vraiment sur une orientation forte vers la durabilité, mais également vers la diversité, car on fait en sorte que la proportion de femmes à hautes responsabilités dans le groupe Arkema augmente. 

Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui qu’on ne fera plus dans 10 ans ? 

On a une accélération de la digitalisation dans la recherche ! Je pense qu’on fera moins d’expériences de chimie parce qu’elles seront remplacées par de la modélisation, par l’intelligence artificielle… 

CdE- Il paraît que vous avez créé la semelle des chaussures d’Antoine Griezmann, entre autres…

F.D En effet, on a créé ces chaussures avec le Pebax®, un matériau issu du Rilsan®. On a très vite vu que ce matériau avait des propriétés extraordinaires de rebond, de retour d’énergie. Lorsque vous incorporez le Pebax® dans des semelles de chaussures, vous augmentez la performance du coureur de par sa légèreté et sa nervosité. On applique le Pebax® dans les chaussures de running, de baskets, de tennis, de football américain et de football européen. Ces solutions sont conçues et produites avec les plus grandes marques d’articles de sport. 

Pour la petite anecdote, à l’occasion de la Coupe du monde de football en Russie, 70 % des joueurs de foot ont eu du Rilsan® ou du Pebax® dans leurs chaussures.

CdE- Vous êtes également le partenaire officiel de l’équipe féminine de France de football. Comment cela s’est fait ?

F.D : En début d’année dernière, on a proposé à la Fédération française de football de sponsoriser le championnat féminin. Cette action est reliée à notre démarche RSE qui est de valoriser le rôle des femmes au sein de l’entreprise, de leur permettre d’accéder à des carrières plus épanouissantes et de les aider à combiner vie professionnelle et vie personnelle.

On a donc associé notre nom à la D1 féminine française, qui s’appelle la D1 Arkema, et ce, au moins jusqu’à la fin de la saison 2021-2022. 

On a recruté récemment Clara Matéo, une jeune footballeuse internationale du Paris Football Club, qui, en même temps que sa carrière de footballeuse, a fait des études d’ingénieure en matériaux. Nous l’avons recrutée dans les équipes développement polymères du Cerdato avec un contrat pour sportive de haut niveau qui lui permet à la fois d’être joueuse professionnelle internationale, tout en poursuivant sa carrière de scientifique.

CdE- Le Cerdato met un point d’honneur à l’utilisation de matériaux biosourcés. Quels sont-ils ? Et pour quels produits sont-ils utilisés ?

Fabien Debaud : Il y a le Rilsan® qui tient son nom de la Risle, la rivière de Serquigny qui coule le long du Cerdato. Il a été inventé en 1947, il vient de l’huile de ricin, une plante qui pousse essentiellement sur des zones arides en Inde, qui a besoin de très peu d’eau, très peu d’engrais. Cette graine, on la transforme en huile, puis en monomère et en polymère, et ce polymère s’appelle le Rilsan® ou le Pebax®, ce dernier étant la version « sportive » du Rilsan®. Quand il s’agit du Rilsan®, c’est un polymère 100 % biosourcé et extrêmement léger avec une résistance à la température, aux agressions chimiques très élevées. Ses applications aujourd’hui, ce sont les chaussures de sport de haute performance, les tubes de transfert de fluides pour les voitures et notamment de refroidissement de batterie pour les véhicules électriques, les futurs réservoirs à hydrogène pour les véhicules qui rouleront avec une source hydrogène… On a aussi le monde médical avec des cathéters, le monde de l’optique avec des montures de lunettes, le monde électronique avec tous les objets électroniques que l’on a pour améliorer la mobilité… 

CdE – Avez-vous d’autres projets en lien avec l’écologie ? 

F.D : début juin, Arkema a fait l’acquisition d’une société italienne qui s’appelle Agiplast et qui est le leader du recyclage des polymères hautes performances. Ça veut dire que, depuis quelques semaines, Arkema est le seul fournisseur au monde à avoir dans son portefeuille, un produit haute performance, 100 % biosourcé et recyclé. Maintenant, au sein d’Arkema, on va pouvoir récupérer les produits des clients et les recycler totalement de manière à continuer de contribuer à l’amélioration et à la protection de la planète. Aussi, on a un client suisse, On-Running, qui va sortir la première chaussure de sport haute performance, 100 % recyclée. Le problème aujourd’hui des chaussures de sport, c’est qu’elles sont composées de plusieurs plastiques, alors, il est difficile de les recycler facilement, car il faut d’abord séparer les plastiques avant de recycler la chaussure. Nous avons aidé On-Running à concevoir une chaussure faite 100 % en polyamides, en Rilsan® et Pebax®. Quand cette chaussure sera sortie, vous pourrez la louer mensuellement et quand vous penserez qu’elle est usée, vous recevrez chez vous les nouvelles chaussures et vous mettrez les anciennes dans une boîte qui reviendra chez le vendeur. La paire sera totalement recyclée pour en fabriquer une nouvelle. La chaussure s’appelle Cyclon !

CdE – La crise actuelle a-t-elle affecté votre manière de travailler ? Comment l’avez-vous gérée ? Quelles ont été vos solutions ? 

Fabien Debaud : Oui, elle a affecté notre manière de travailler. Elle a tout à coup accéléré la transformation vers le digital et la mise en place du télétravail. Maintenant, nos employés et nous-mêmes avons des outils digitaux que jamais nous n’aurions su utiliser s’il n’y avait pas eu la crise. Finalement, cela nous ouvre de nombreuses opportunités, nous permet de faire beaucoup plus d’échanges visuels avec davantage de participants dans le monde et accélère nos prises de décisions. 

On a géré cette crise en protégeant nos employés, en faisant en sorte qu’il y ait un minimum de personnes contaminées, en appliquant très rigoureusement les mesures sanitaires parce qu’Arkema est un groupe de 20 000 employés !

Cette crise est regrettable, car elle a causé beaucoup de dégâts dans certaines filières professionnelles. Pour nous, il y a eu un vrai rebond, on dit toujours en anglais : « Never waste a crisis », toujours utiliser une crise comme une opportunité à sa sortie. 

CdE – Changement d’ambiance, avez-vous une anecdote amusante à nous raconter qui s’est déroulée au sein de votre parcours professionnel ? 

F.D : À mon arrivée en 2016 au Cerdato, faisant un bilan énergétique du centre, je cherchais le « poste climatisation », et mes collègues se sont mis à rire : « Quelle climatisation Fabien ? Le centre n’est pas climatisé, ici, nous sommes climatisés naturellement toute l’année ! » Bon, j’avoue que depuis, même si l’écart avec le Sud-Ouest dont je suis originaire est toujours notable, j’apprécierai parfois d’avoir la clim dans mon bureau. Mais quel bonheur de bénéficier de ce climat. 

CdE – Si vous aviez une lampe magique comme le génie dans Aladdin, quels seraient vos trois vœux ? 

1. Accélérer l’épanouissement et la qualité de vie au travail.

2. Contribuer à lutter contre le réchauffement climatique et accélérer l’application des initiatives issues de la COP de Paris sur la protection de la planète.

3. Contribuer au rayonnement de notre territoire et à son attractivité.

CdE – Trois mots pour décrire votre parcours ou votre activité… 

Fabien Debaud : Curiosité, résilience et ouverture !

CdE – Un petit dicton fétiche ? 

F .D : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. » Winston Churchill

CdE – Enfin, que diriez-vous aux personnes qui veulent nous rejoindre sur le territoire ? 

F.D : Que c’est le meilleur compromis vie pro / vie perso ! Épanouissement professionnel garanti dans un cadre qui favorise la qualité de vie personnelle.

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